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RÉFÉRENDUM : LA GUINÉE SE TROUVE À UN CARREFOUR HISTORIQUE ET NOS CHOIX SERONT DÉTERMINANTS POUR LE FUTUR DE NOTRE NATION

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« Sortir de la transition impose à nous de résoudre en profondeur les maux qui nous y ont plongés. Sinon ce serait juste un report de nos problèmes.»

À la veille de ce référendum constitutionnel crucial, je voudrais m’adresser à vous,  chers amis et à l’ensemble de tous ceux et toutes celles qui liront ce message. Je m’adresse en vous en tant qu’intellectuel engagé, animé par le devoir impérieux de vérité et de vigilance. Notre nation se trouve à un carrefour historique, où les choix que nous ferons maintenant détermineront l’héritage que nous léguerons à nos enfants et petits-enfants. Permettez-moi donc de nous (y compris moi-même) inviter à une réflexion sereine et approfondie, au-delà des effervescences passagères comme nous le constatons ça et là dans nos rues.

 

L’un des arguments phares invoqués par les partisans du sens unique donné à ce référendum, c’est-à-dire “OUI” à la nouvelle constitution, c’est qu’elle marquerait la sortie immédiate de la transition. Cette affirmation est erronée et trompeuse.

 

En effet comme l’a solennellement déclaré le Chef de l’État devant le peuple et devant la Cour Suprême, « la transition s’achèvera par l’organisation de l’élection présidentielle, au cours de laquelle ni moi (le Président de la Transition), ni aucun membre des organes de transition ne se portera candidat. » Cet engagement, scellé par un serment sur la Charte de la Transition et sur l’honneur,  et juré devant le Président de la Cour Suprême, doit être respecté scrupuleusement. Ignorer cela reviendrait à trahir les fondements mêmes de notre pacte national.

 

Si dans une nation en construction, chacun assume un rôle distinct — certains exprimant leur enthousiasme par des chants et des danses — ce qui est légitime et reflète notre vitalité culturelle, d’autres, intellectuels et sages, ont la responsabilité historique de veiller à l’interprétation fidèle de nos engagements collectifs. C’est dans ce contexte que s’inscrit cet appel que je lance.

 

Comme le soulignait avec sagesse Me Kéléfa Sall, que je paraphrase ici : « il existera toujours des voix pour actionner les sirènes révisionnistes de nos textes et entonner des mélodies déshonorantes de nos engagements pris. Mais il incombe à nous, gardiens de la mémoire nationale, de refuser que cela devienne la norme. Une nation solide ne se bâtit pas sur des faits euphoriques et folkloriques; mais sur des principes durables et une justice impartiale, quel que soit le pouvoir en place ».

 

Ainsi donc, sortir de la transition nous impose de résoudre en profondeur les maux qui nous y ont plongés. Ces causes, énoncées dès le discours inaugural du Commandant d’alors du Groupement des Forces Spéciales, le 5 septembre 2021, transcendent la simple dimension électorale. Elles incluent la corruption endémique, la gabegie financière, la politisation excessive de l’administration publique, la personnification de la classe politique, et bien d’autres fléaux. Qu’avons-nous accompli, collectivement, au cours de ces quatre années pour les éradiquer ? Je dis “nous” avec conviction, car il s’agit de notre responsabilité partagée en tant que Guinéens. Avons-nous engagé un dialogue national sincère sur nos problèmes communs ? Quelles mesures concrètes avons-nous prises pour assainir le système judiciaire gangrené ? Quel plan d’avenir avons-nous élaboré ensemble pour notre pays ? Et qu’en est-il des conclusions des immersions menées par le Conseil National de la Transition (CNT) à l’intérieur du pays, notamment sur le type de régime politique adapté à notre réalité ? N’allons-nous pas prendre en compte les aspirations du peuple exprimées lors des consultations du CNT, en faveur de deux courants politiques équilibrés représentant véritablement la diversité de notre nation?

 

J’estime que nous ne devons pas réduire ce débat essentiel à une question purement électorale, comme si la constitution de 2020 n’avait pas été adoptée par référendum, ou comme si le troisième mandat du Professeur Alpha Condé n’avait pas été obtenu par les urnes.  Ces précédents nous rappellent que les élections, si importantes soient-elles, ne suffisent pas à guérir les fractures profondes de notre société; et la réalité sociopolitique actuelle de notre pays nous interroge sur: quelle Guinée voulons-nous transmettre aux générations futures : une nation unie, juste et prospère, ou une république fragilisée par des réformes hâtives ?

 

Aussi, concernant le projet de constitution soumis à notre approbation, plusieurs dispositions soulèvent également de graves interrogations. Notamment, le fait que la plus haute fonction de l’État qu’est la présidence, ne soit pas réservée qu’à un citoyen guinéen exclusivement, et que par ricochet, le Commandant en Chef des Forces Armées de notre patrie puisse détenir une double nationalité. Ces clauses sont inacceptables et portent atteinte à la souveraineté nationale. De même, les questions relatives à la durée et au nombre de mandats présidentiels qu’un individu peut exercer au cours de sa vie méritent une révision urgente. Pour ces raisons impardonnables, je plaide ardemment pour l’arrêt immédiat du processus référendaire. Ce texte doit retourner au CNT afin d’être corrigé et enrichi, dans un esprit de concertation inclusive.

 

Compatriotes, l’heure est à la prudence et à l’action responsable. N’agissons pas sous l’emprise de l’instant, mais avec la vision d’un avenir stable et équitable, à la construction duquel (avenir) nous devons tenir compte dea appréciations qu’en feront nos progénitures. Ensemble, préservons donc l’intégrité de notre transition et construisons une Guinée dans laquelle ses fils et ses filles seront fiers.

Avec respect et conviction,

 

Pépé Moriba

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