
Staline, Hitler, Néron et autres Pol Pot. Ces figures controversées, et tant d’autres aujourd’hui disparues, ont-elles jamais imposé que leur mémoire ne soit pas évoquée, voire salie, ou que leur héritage soit tu, sous prétexte qu’il est peu flatteur ?
Ou simplement parce que, n’étant plus de ce monde, elles ne seraient pas en mesure de se défendre ?
Des décennies après leur disparition, nous nous souvenons de leur lourd passif et pointons leurs responsabilités dans les drames vécus par leurs peuples et les préjudices causés à l’humanité. Leurs héritiers et descendants n’y sont pour rien. S’ils le pouvaient, ils effaceraient des mémoires et de l’histoire les griefs retenus contre leurs aïeux. Ces griefs sont des taches indélébiles, des faits gravés à jamais dans le marbre de la postérité. Il en sera toujours ainsi, même si cela déplaît à ceux qui ne veulent entendre qu’un seul son de cloche et qui portent sur des acteurs proches d’eux par la famille, la tribu et les alliances, le regard chimérique d’une complaisance aveugle et passionnelle.
Ceux qui voudraient jouer aux justiciers dans la cité ou s’ériger en objecteurs de conscience, tout en épargnant méticuleusement leurs amis, parents et bienfaiteurs, dont les casiers sont souvent plus lourds que ceux de leurs cibles, sont les seuls responsables des ripostes que leurs égarements ne manqueront pas de susciter.
Soriba Kaba a été ministre de l’Économie, des Finances et du Plan, et tutti quanti. Ce sont des gestionnaires comme lui qui affirment qu’il n’existe pas de gestion totalement saine et irréprochable. Leur rejeton adoptif ou putatif voudrait nous faire croire qu’aucun commis n’est au-dessus de tout soupçon, que nul n’incarne l’éthique dans le service public. Tous auraient les mains sales ! Mais pourquoi Tibou Kamara devrait-il être accablé de tous les péchés d’Israël par quelqu’un issu de la lignée d’un ancien ministre, lui qui n’a jamais été l’argentier du pays, à la différence d’un certain Soriba Kaba ? Un homme qui fut longtemps dans la caverne d’Ali Baba pourrait-il, quant à lui, être blanc comme neige ? Si la fonction de ministre est criminalisée par ceux-là mêmes qui montent sur leurs grands chevaux dès qu’une pierre tombe dans leur jardin, où sont passées l’honnêteté intellectuelle, la morale et la raison cartésienne ? « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. » Comment calomnier les autres et s’attendre en retour à une avalanche d’éloges immérités ?
Tibou Kamara n’a nul besoin de faire le procès de Soriba Kaba, par respect pour les morts. Mais il peut arriver que tout gestionnaire soit hanté par les fantômes du passé, qu’un défunt soit invoqué dans une polémique déclenchée par les siens. L’incendiaire ne peut ni maîtriser ni contrôler le feu qu’il a lui-même provoqué. Les sapeurs-pompiers accourent, mais qu’ils s’assurent que le pyromane ne revienne pas sur ses pas, sans quoi le cycle des flammes ne s’arrêtera jamais.
Tibou Kamara, qui a également bénéficié de la confiance du général Lansana Conté et de ses successeurs, et dont les nominations à de hautes fonctions ministérielles ne doivent rien au hasard, est trop occupé pour perdre son temps dans des vétilles ou à se faire l’écho du néant. Il réserve son énergie à affronter des adversaires de sa trempe, non des pauvres types en quête de visibilité, conscient qu’il y a des batailles indignes qui, si on les mène, vous dévalorisent. Comme il en est des combats de chiffonniers. Ses publications concernent le pays, non les individus, les débats personnels et les attaques ad hominem ne sont pas son domaine de prédilection. Cela dit, il reconnaît à quiconque se sent morveux le droit de se moucher autant de fois qu’il le faudra, même dans la monotonie et la déchéance.
Qu’on soit obsédé par lui ou animé d’une haine viscérale à son encontre, il s’en moque. Il ne craint ni quolibets, ni outrages, ni outrances, et ne concédera aucun territoire à ses détracteurs, qu’ils soient déclarés ou agissent de manière sournoise. Il rendra coup pour coup, car il n’appartient ni à la classe des hommes faibles, ni à celle des lâches et des résignés.
Que cela soit su et entendu par tous, définitivement.
Morlaye BANGOURA