
La fin de l’opération Barkhane a été décidée par le Président Macron en Novembre 2022. Trois ans ou presque déjà. C’était bien-sûr sous la pression des Juntes militaires qui gouvernent désormais le Niger, le Burkina Faso et le Mali.
Il est possible d’affirmer que depuis, la situation sécuritaire des trois pays échappe de plus en plus aux nouvelles autorités, tant elle s’est dégradée durant les six derniers mois. Les attaques des djihadistes dans la région ne cessent de se renforcer et des pans entiers des territoires de ces trois pays sont carrément passés sous leur contrôle. Les djihadistes trouvent aisément de nouvelles recrues dans ces zones qui sont des véritables foyers de pauvreté et d’insécurité.
Deux groupes sont responsables de la plupart de ces attaques meurtrières. Le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans qui est affilié à AL-QAÏDA et l’Etat Islamique au Grand Sahara, venant de DAECH. Les armées des trois pays sont régulièrement l’objet d’attaques qui sont, pour elles, autant de défaites. La propagande conduit souvent à changer les défaites en victoires, mais les faits sont têtus et l’insécurité ne cesse de gagner du terrain. Les équipements ne manquent pas, il y a d’abord l’abondance de matériels provenant de la Chute de KHADAFI, mais il faut surtout y ajouter les armes récupérées avec les troupes des armées régulières décimées à l’occasion des massacres perpétrés.
Désormais d’ailleurs, les attaques ont encore tendance à s’étendre aux frontières des pays voisins et le Bénin est sans doute à cet égard le pays le plus touché.
Entre Mai et Juillet 2025, la situation s’est encore davantage détériorée. Le 1er juillet dernier, dans la zone malienne proche des frontières du Sénégal et de la Mauritanie pas moins de sept villes ont subi simultanément les assauts du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM). Plus particulièrement Kayes et Nioro, deux villes qui comptent ensemble plus de 300 000 habitants ont été visées. Le GSIM est dirigé par un redouté chef de guerre Touareg qui a parfaitement organisé ses zones de repli, Iyad Ag Ghali. Son objectif semble clairement défini, prendre le contrôle des centres urbains et des axes de circulation et de ce fait avoir la possibilité de prélever des taxes sur le transit de marchandises d’une région qui en voit beaucoup. Les djihadistes assurent avoir investi les centres de l’armée régulière, tandis que le pouvoir de Bamako affirme avoir repoussé les attaques et fait 80 victimes parmi les assaillants.
Quelle que soit la vérité, il est patent que les djihadistes disposent d’équipements de plus en plus sophistiqués, voire même des drones qui proviennent non pas des stocks de KHADAFI et qui sont relativement récents. De nombreux témoignages font valoir également que les djihadistes disposent de véhicules parfois blindés provenant de l’armée.
Le fait est que ces attaques, qui ne permettent probablement pas aux djihadistes de s’installer, déstabilisent toutefois le fonctionnement de l’armée malienne et inquiètent le pouvoir malien, à juste titre. Frapper et se replier est une stratégie épuisante pour Bamako. Les réseaux économiques sont touchés et le pire peut être imaginé, avec une présence en filigrane dans les activités les plus stratégiques du pays.
Les forces militaires françaises sont parties en 2022, les casques bleus en 2023 et il semble bien que la Russie, bien présente, ne parvient pas à combler le vide sécuritaire laissé. Il est pourtant certain que la volonté de lutter contre les terroristes est maximale chez les trois dirigeants qui ont formé l’Alliance des Etats du Sahel, mais qui ayant quitté la Cedeao sont relativement esseulés dans un combat meurtrier à l’issue incertaine.
Certains observateurs font observer que le Groupe Wagner, qui est un acteur clef des luttes contre les terroristes, ne s’embarrasse pas vraiment du respect des droits de l’homme. Les exactions sont nombreuses et prennent la forme de massacres de populations civiles parfois accusées à tort d’être des complices objectifs, voire pire. Les rancœurs enveniment la situation et sont de nature à pousser certains membres de familles d’éleveurs nomades à rejoindre les groupes de combattants. Les peuls sont particulièrement ciblés de façon récurrente par les pouvoirs militaires. Les conflits entre les éleveurs nomades et les planteurs ne cessent de s’amplifier et les mesures de rétorsion ont souvent des suites macabres. Les peuls, en effet font au Mali plus de 2,7 millions d’individus, au Niger 1,7 million et au Faso 1,5 million. Le caractère nomade de ces paysans, touchés par l’avancée du désert, appauvris par le changement climatique a pour effet de donner aux conflits un caractère itératif et de plus en plus violent. Cet antagonisme croissant fait craindre le pire. Les peuls deviennent des suspects idéaux pour toutes les victimes des djihadistes.
Il est aujourd’hui quasiment impossible de définir avec exactitude les étendues de territoire contrôlées par les djihadistes. L’institut belge EGMONT, spécialisé dans les relations internationales estime pour sa part que 60% du territoire du Faso est contrôlé par les terroristes. Les zones désertiques étant difficiles à contrôler de façon pérenne par l’armée régulière cette appréciation, plus ou moins exacte, n’en traduit pas moins un sentiment d’inquiétude légitime. Seuls les plus grands centres sont désormais encore sécurisés, ils ne sont pas pour autant à l’abri d’actions d’éclat qui expriment la façon de procéder des djihadistes, tenants d’une guerre d’usure.
Un rapport officiel d’observateurs sérieux indique que 11 des 13 régions du Faso seraient contrôlées par le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans et que dans le même élan, le groupe est considéré comme le champion et le soutien de la cause peule. Ainsi des expéditions punitives régulières ont souvent lieu, les volontaires pour la défense de la patrie, milice d’auto-défense mise en place en 2020 ont massacré dans un seul village, Solenzo, plus de 130 peuls, puis des représailles ont été organisées par le GSIM et des dizaines de soldats ont été tués. Le cercle infernal n’est pas loin.
Les djihadistes n’hésitent pas à s’en prendre aux populations civiles, dès lors que celles-ci agissent de concert avec le pouvoir. En août 2024, des civils aidaient les forces armées à creuser des tranchées de protection, la ville fut attaquée et on a dénombré plus de 600 morts, anonymes pour beaucoup, sans compter les viols, véritable impôt prélevé par les combattants sur les femmes .
Iyad Al Ghali qui étend sa toile sur le Mali et le Faso semble vouloir s’inspirer de la stratégie du nouveau dirigeant syrien, Ahmed-Al Charaa. Renverser le pouvoir et créer un califat sur une partie du pays ne lui déplairait pas, ce fut d’ailleurs le cas avant l’intervention française qui y avait mis fin.
Dans ces conditions, les attaques djihadistes dans les pays voisins ne semblent pas devoir être pour lui une priorité, et on peut observer que même si elles se répètent au Bénin, par exemple, elles ne sont pas une règle générale. Ce sont des opérations de diversion passagère qui, néanmoins, sont combattues avec une grande fermeté par les Etats. Mais on peut observer également qu’en côte d’ivoire, l’attaque de Grand Bassam ne s’est pas reproduite fort heureusement. Au Nigéria et au Tchad, il y a régulièrement des attaques de Boko-Haram et elles sont circonscrites et largement combattues. On est en droit d’espérer que les pays côtiers ne soient pas l’objet d’une systématisation des attaques. Il est certain que des tentatives de déstabilisation sont mises à jour régulièrement, mais il faut aussi noter que le terrain de certains pays n’est guère favorable aux djihadistes et que si ceux-ci se mettaient à avancer à visage découvert, ils seraient rapidement exterminés. Les terroristes sont en fait des bandits dévoyés qui utilisent une religion qu’ils bafouent pour justifier leurs appétits variés et impurs.
Nonore DESCOMBES