
Mes chers compatriotes, mes chers frères de sang, et même vous, chers voisins qui avez pris la mauvaise habitude de me voler mes poules, j’ai une nouvelle qui va vous faire sauter de joie, ou du moins, vous faire lever un sourcil perplexe: la réconciliation nationale doit être lancée ! À Fakoudou !
Oui, oui, vous avez bien entendu. Ce n’est pas un mythe, une légende urbaine, ou un slogan de campagne électorale. La réconciliation nationale, c’est comme le Père Noël: certains y croient dur comme fer, d’autres se moquent, mais tout le monde est d’accord pour dire qu’il apporte des cadeaux. Hé Kéla !
Le pouvoir en Afrique, c’est l’histoire d’un paradoxe. D’un côté, il est perçu comme une nécessité pour la stabilité et le développement du continent. De l’autre, il est souvent synonyme de corruption, d’abus et de violence. Cette dichotomie nous renvoie aux réflexions de deux grands penseurs : Platon et Malraux.
Platon, dans sa sagesse antique, nous a mis en garde contre la nature intrinsèquement corruptrice du pouvoir. Il pensait que la plupart des hommes qui y accèdent deviennent inévitablement des « méchants ». Hé Kéla ! Cette observation, vieille de plusieurs millénaires, résonne avec une actualité troublante sur le continent africain. On voit des leaders qui, une fois arrivés au sommet, oublient leurs promesses, se transforment en tyrans et s’accrochent au pouvoir par tous les moyens. Hé Kéla ! L’idéal d’un chef d’État qui sert son peuple est bien souvent remplacé par la réalité d’un homme qui se sert de son peuple.
Malraux, avec son regard plus moderne et désabusé, voit le pouvoir comme une illusion, une « force potentiellement corruptrice ». Pour lui, le pouvoir est un piège, une drogue qui fait perdre le sens des réalités. En Afrique, on observe cette illusion dans les palais présidentiels, ces enclaves de luxe et de démesure, entourées de misère et de pauvreté. A Fakoudou ! Les chefs d’État, coupés de la réalité du terrain, vivent dans une bulle dorée où leurs caprices deviennent lois. La politique n’est plus un service public, c’est un spectacle, une représentation où l’on joue son propre rôle, souvent de manière excessive. On Chen fout !
Le pouvoir, en Afrique, est une hydre à deux têtes. L’une symbolise l’espoir, la promesse d’un avenir meilleur, de la construction d’infrastructures, de la mise en place de politiques de développement. L’autre symbolise le désespoir, la corruption, l’enrichissement personnel et l’oppression. Les exemples de cette dualité abondent. On a vu des leaders charismatiques, porteurs de grands espoirs, se transformer en dictateurs implacables. À Fakoudou !
Le pouvoir n’est pas un but en soi, mais un moyen. S’il n’est pas exercé avec humilité, avec la conscience qu’il est au service du peuple, il se retourne contre celui qui l’exerce, et surtout, contre ceux qui l’ont confié. C’est l’éternelle tragédie du pouvoir, une pièce de théâtre qui se joue encore et encore sur la scène africaine. Hé Kéla !
C’est une épidémie qui ne connaît ni frontière, ni âge, ni même de saison : la complainte du « il n’y a pas d’argent ». On l’entend dans les rues de Cona-cris, dans les villages reculés, et même dans les bureaux climatisés. C’est le refrain national, la mélodie qui berce nos journées. Le boulanger se plaint qu’il n’y a pas d’argent pour acheter son pain, le taximan se plaint que les clients n’ont pas d’argent pour payer sa course, et le commerçant se plaint qu’il n’y a pas d’argent pour acheter sa marchandise. Hé Kéla !
C’est un cercle vicieux, où tout le monde se tient la main en se plaignant. Et pendant ce temps-là, les marchés sont pleins, les maquis sont bondés, et les téléphones portables se vendent comme des petits pains. On se demande alors si ce n’est pas plutôt une excuse bien rodée, une façon de justifier une inaction. Après tout, si tout le monde n’a pas d’argent, qui achète toutes ces choses ? C’est le grand mystère de la pauvreté guinéenne, un paradoxe qui nous fait rire, et nous fait pleurer. Hé Kéla !
Cette année, le ciel de Guinée a décidé de nous faire un cadeau un peu trop généreux: de la pluie, de la pluie, et encore de la pluie. C’est simple, on a l’impression que le ciel a un compte à régler avec le soleil et qu’il a choisi de noyer nos rues dans un déluge biblique. Les routes se transforment en rivières, les quartiers en piscines olympiques, et les piétons en marins égarés. On ne sait plus si on doit sortir avec un parapluie ou un gilet de sauvetage. Les Guinéens ont toujours eu l’habitude de se plaindre du manque de quelque chose, mais cette fois-ci, c’est le contraire: on a un surplus de pluie, et on ne sait plus quoi en faire. On pourrait en rire, si ce n’était pas si triste. Mais après tout, il paraît que les grandes pluies apportent de bonnes récoltes. Alors, espérons que cette année, la nature nous prépare un festin de paix, d’unité et de prospérité, pour que nous puissions enfin sortir de ce déluge et voir l’arc-en-ciel. À Fakoudou !
Après un demi-siècle de disette, le Syli National de Guinée est devenu une sorte de mythe, un sujet de conversation qu’on évoque avec une pointe de nostalgie et une bonne dose d’ironie. Nos équipes nationales, autrefois source de fierté et de passion débordante, sont aujourd’hui comme un vieux film que plus personne ne regarde. On en parle encore, bien sûr, mais sans conviction, sans l’excitation d’une époque révolue. On a l’impression que nos joueurs, pour une raison qui nous échappe, ont décidé d’embrasser le concept du zéro pointé avec une constance admirable. À chaque compétition, on se met à rêver, à espérer un miracle, mais on sait au fond de nous que la désillusion n’est jamais loin. On se demande alors ce qui se passe. Est-ce le manque d’entraînement, le manque d’argent, ou peut-être une malédiction ancestrale ? La seule chose que l’on sait, c’est que le Syli a une place de choix dans nos cœurs, non pas pour ses victoires, mais pour ses défaites mémorables.
Chez nous, la gestion des déchets n’est pas une science, c’est un art. Un art brut, un art de rue, un art du bric-à-brac. On a réussi à transformer nos rues, nos plages et même notre belle mer en une œuvre d’art moderne, une sculpture de détritus à ciel ouvert. On ne jette pas les ordures, on les dépose délicatement sur la route, comme un hommage à la nature, un dernier adieu avant qu’elles ne se fassent emporter par la pluie. Nos plages, autrefois le symbole de notre beauté naturelle, sont devenues des terrains vagues où se mêlent sacs en plastique, bouteilles en verre et autres objets non identifiés. Les poissons, quant à eux, ont décidé de s’adapter à leur nouvel environnement. Ils ont muté, arborant désormais trois yeux pour mieux voir dans le noir, et six pattes pour mieux se déplacer au milieu des ordures.
C’est ça, la Guinée. Un pays où même la nature s’adapte à la folie des hommes. À Fakoudou !
Sambégou Diallo