
Il faut espérer que les plus proches conseillers du Général Mamadi Doumbouya lui transmettent sans fard le vécu réel de sa population, cette vérité crue que certains membres du gouvernement préfèrent maquiller, trop occupés qu’ils semblent l’être à se tisser un confortable matelas doré avant la fin de la transition, au terme de laquelle nul ne peut prédire leur sort.
Pendant ce temps, le quotidien du Guinéen lambda se durcit de jour en jour. Le panier de la ménagère, autrefois fragile mais encore accessible, est désormais hors de portée pour de nombreuses familles. L’inflation, insidieuse et galopante, ronge silencieusement le pouvoir d’achat. Les fonctionnaires, souvent seuls soutiens d’une dizaine de bouches à nourrir, voient leurs salaires livrés au compte-gouttes dans les banques primaires, quand ils sont payés évidemment. Cette rareté monétaire amplifie la pauvreté et étouffe l’espoir de vivre dignement.
À cela s’ajoutent les calamités naturelles : les inondations récentes à Conakry et à Siguiri, qui ont balayé des années de labeur, détruisant maisons et commerces. La résilience des Guinéens, déjà mise à rude épreuve par les prix exorbitants du riz, de l’huile, du carburant et des denrées de première nécessité, vacille. Les mères de famille jonglent entre dettes et privations, les jeunes errent entre chômage et désillusion, et les pères, jadis fiers pourvoyeurs, peinent à assurer un repas complet par jour. Et il n’est pas évident que l’entourage du président lui fasse remonter cette information.
Pourtant, malgré ces épreuves, le peuple garde encore foi en son président. Les femmes des marchés, les jeunes des quartiers populaires, les paysans des campagnes et même le lumpen-prolétariat urbain se souviennent du 5 septembre 2021, lorsque le Général avait promis de relever la nation et de combattre l’injustice sociale. Ils attendent toujours, non par naïveté, mais par attachement à cette parole donnée.
L’Histoire africaine récente enseigne qu’il arrive qu’un peuple, excédé par la vie chère, finisse par se révolter contre ses gouvernants : le Sénégal en 2021, le Burkina Faso en 2008, ou encore la Côte d’Ivoire en 2017 avec les révoltes liées aux revendications économiques. Et souvent, ces mouvements naissent non d’un rejet direct de la figure présidentielle, mais d’un ras-le-bol face à l’inaction ou à la surdité de l’appareil gouvernemental.
C’est pourquoi il est impératif que le chef de l’État convoque un pool économique élargi — incluant non seulement les ministères des Finances, du Budget, du Commerce et la BCRG, mais aussi celui des Affaires sociales — et leur intime l’ordre de dresser un tableau véridique de la situation socio-économique actuelle. Il faut briser le mur de complaisance et d’autocensure qui entoure la vérité. Et dans cet exercice, il ne serait pas superflu d’écarter toute voix qui préfère l’opacité à la franchise, car gouverner sur la base d’illusions, c’est piloter un navire vers l’iceberg.
Aujourd’hui, le peuple ne demande pas des miracles, mais des mesures urgentes et concrètes : un contrôle strict des prix sur les denrées de première nécessité, le paiement régulier et intégral des salaires, un plan national de soutien à l’emploi des jeunes et des femmes, et une politique claire de prévention des catastrophes naturelles. C’est cela la réalité de la revendication populaire et non ces élections inutiles qui grèvent davantage le budget de l’État.
Le président Mamadi Doumbouya demeure, aux yeux du peuple, l’ultime recours face aux insuffisances d’un gouvernement engourdi et « d’endormis ». Il possède encore le pouvoir, la force et le temps d’apporter des solutions concrètes aux souffrances actuelles. Mais l’Histoire enseigne que la patience d’une nation, aussi profonde soit-elle, n’est pas inépuisable : un peuple qui endure la faim, la misère et l’injustice peut, un jour, se lever comme un fleuve en crue. Puisse Dieu guider les pas du Guinéen, préserver l’unité de la Guinée et lui épargner ce déchaînement.